Stratégie polaire française: la France doit renforcer la recherche scientifique pour accélérer la désignation des Aires Marines protégées en Antarctique
Paris, 23 mars 2023: Hier, à l’Assemblée Nationale, le groupe d’études parlementaires “Arctique, Antarctique, Terres Australes et Antarctiques Françaises et Grands Fonds Océaniques” a été lancé par les députés Clémence Guetté (LFI) et Jimmy Pahun (Modem).
La Coalition pour l’Antarctique et l’océan Austral (ASOC) qui rassemble plus de 15 ONG internationales a suivi les échanges parlementaires sur la mise en œuvre de la Stratégie polaire dont la France s’est dotée depuis avril 2022. D’ici 6 mois, en octobre 2023, les députés vont examiner le budget à allouer à la Stratégie Polaire, qui influencera pour les années à venir la présence française et les activités scientifiques aux Pôles.
Avec les 2 députés et co-présidents du Groupe d’Etudes, se sont notamment exprimés Olivier Poivre d’Arvor, Ambassadeur des Pôles et des Enjeux Maritimes, Florence Jeanblanc-Risler, Préfète des Terres Australes et Antarctiques Françaises, Yan Ropert-Coudert, Directeur de l’Institut Polaire Français, Antje Boetius, Directrice Alfred Wegener Institute et Marc Eléaume, Représentant scientifique de la délégation française à la Convention sur la conservation de la faune et la flore marines de l’Antarctique (CCAMLR) – l’organe non-onusien qui encadre les pêcheries en Antarctique.
Cet échange de niveau parlementaire qui a rassemblé les communautés scientifique et maritime polaires au cœur de l’Assemblée n’est pas une première. Mais elle a permis de rappeler, selon Yan Ropert-Coudert, Directeur de l’Institut Polaire Français que “la stratégie polaire nous a fixé des ambitions et une feuille de route. Nous espérons sa concrétisation prochaine sur les plans administratif et financier”.
La communauté scientifique a en effet souligné que les moyens alloués à la recherche dans l’Océan Austral viendraient aussi soutenir les efforts diplomatiques nécessaires à la désignation des Aires Marines Protégées en Antarctique à la CCAMLR. Là où les négociations ne progressent plus et où les relations géopolitiques restent complexes, notamment avec la Chine.
En effet, les ressources maritimes de l’océan Austral sont colossales. De nombreuses espèces attisent l’appétit des pêcheurs industriels et notamment le krill alors même que face au changement climatique, ces écosystèmes sont fragiles et particulièrement essentiels. Essentiels parce qu’ils permettent à l’océan Austral d’absorber près de 75% de la chaleur excédentaire stockée par l’océan global et de séquestrer environ 35% du CO2 en surplus dans l’atmosphère.
“Malgré le récent accord sur le Traité de la Haute mer, rien ne garantit encore que l’océan Austral pourra bénéficier d’une réelle protection” a réagit Claire Christian – directrice exécutive d’ASOC. Les intérêts de pêche nourrissent en effet des oppositions tenaces face à la désignation des Aires Marines Protégées. “Nous saluons bien sûr le lancement de la stratégie polaire française et nous l’encourageons encore à déployer une recherche de haut niveau dans l’océan Austral et particulièrement en Antarctique de l’Est. Les moyens financiers dédiés à la science seront cruciaux pour permettre à la France de continuer d’occuper une place stratégique dans les négociations des Aires Marines qu’elle soutient depuis 2011”.
En juin prochain, la Commission de la Convention sur la conservation de la faune et la flore marines de l’Antarctique (CCAMLR), se réunira pour une session extraordinaire qui sera consacrée spécifiquement à l’examen des propositions de désignation des 3 aires marines protégées – prévues initialement en 2012. “C’est en Antarctique de l’Est que la Stratégie Polaire a encore besoin d’être innovante et consolidée pour mieux comprendre cette région encore méconnue, avec un programme de recherche ambitieux basé sur la coopération entre pays. Ce serait l’un des moyens techniques de débloquer la situation aujourd’hui figée dans la désignation des AMP à la CCAMLR” a indiqué Marc Eléaume, Représentant scientifique de la délégation française de la CCAMLR.
Espérons que la tendance au nouveau multilatéralisme écologique de ces 3 derniers mois, incluant notamment la Chine, sera enfin favorable à la création des aires marines protégées de l’Antarctique. “L’événement d’aujourd’hui a montré à quel point la science est incontournable pour obtenir un consensus en vue de la création sans condition des aires marines protégées de l’Antarctique. L’autre levier capable d’obtenir l’adhésion des principales parties prenantes est la diplomatie internationale. La France a en mains les atouts nécessaires pour que réussisse ce multilatéralisme. En cette période géopolitique incertaine et tendue, l’Antarctique reste une région spécifiquement consacrée à la science et la paix. Utilisons-la pour le bien commun de l’humanité et de la planète” a déclaré Pascal Lamy, co-président de Antarctica2020.
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L’Antarctic and Southern Ocean Coalition (ASOC) est une coalition d’organisations de conservation du monde entier cherchant à défendre l’intégrité des écosystèmes de l’Antarctique et de l’océan Austral contre les activités humaines. Elle a pour mission de protéger les écosystèmes uniques et vulnérables de l’Antarctique et de l’océan Austral en exprimant d’une seule et même voix le point de vue des ONG